‘Abd Allâh ben az-Zubayr dit: «Le jour de la bataille du Chameau, az Zubayr se leva et m’appela. Aussitôt je me levai et me mis près de lui. « O mon fils! me dit-il, aujourd’hui, il n’y a que des oppresseurs qui tueront des opprimés; et je crois que je serai tué en opprimé. Mais mon plus grand souci, ce sont mes dettes. Penses-tu que nos dettes vont nous laisser quelque chose de nos biens?… 0 mon fils! vends nos biens et paye mes dettes! » Puis il disposa en legs du tiers de ses biens et du tiers de ce tiers en faveur des enfants de ‘Abd Allâh ben az-Zubayr; il disait: » … Le tiers du tiers… S’il reste de nos biens quelque chose après le payement des dettes, alors le tiers est pour tes enfants. » (Hicham: Quelques enfants de ‘Abd Allâh ben az-Zubayr, Kubayb et ‘Abbad, avaient le même âge que certains des enfants d’az-Zubayr. Ce dernier avait alors neuf fils et neuf filles)…
«Mon père continua de me faire des recommandations se rapportant à ses dettes et me dit: « O mon fils! si tu te vois incapable de faire cela, demande l’aide de mon maître! » Par Dieu! je ne compris pas ce qu’il voulait dire.. Alors je l’interrogeai: « O père! qui est ton maître? – C’est Dieu, me répondit-il. »Je jure par Dieu, que chaque fois que j’éprouvais de la difficulté à payer ses dettes, je disais: « O Maître d’az-Zubayr! libère-le de ses dettes! » et effectivement Dieu le libérait.
«Az-Zubayr fut tué et ne laissa ni dirham ni dinâr, rien que des biens-fonds: al-Ghaba, onze maisons à Médine, deux à al-Basra, une à Kufa et une autre en Egypte. L’unique origine des dettes d’az-Zubayr était que lorsqu’on venait pour lui confier un dépôt, il répondait: « Je ne l’accepte qu’à titre de prêt, car je crains qu’il ne périsse. » Jamais il n’avait exercé de commandement, ni rempli de charge de collecteur de kharâj, ni occupé quelque autre poste [lucratif]; il avait simplement pris part aux expéditions du Prophète, d’Abu Bakr, de ‘Umar et de ‘Uthman.
«Je fis le compte de ses dettes et je trouvai qu’elles étaient de deux millions deux cents mille…» Or Hakim ben Hizam, ayant rencontré ‘Abd Allâh, lui dit: « O fils de mon frère! quelle est la dette de mon frère? » ‘Abd Allâh lui cacha la vérité en lui disant: « Cent mille… – Je ne pense pas, dit Hakim, que vos biens peuvent suffire à payer cette somme. – Et que dirais-tu, si c’était deux millions deux cents mille…? – Je ne pense pas que vous pouvez supporter cela; de toute façon, si vous voyez que cela dépasse vos capacités, n’hésitez pas à me faire appel. » Az-Zubayr avait acheté al-Ghaba pour soixante-dix mille. A l’estimation qu’en fit faire ‘Abd Allâh, le prix monta à un million six cent mille. Alors il alla dire: « Que celui qui a quelque créance contre az-Zubayr vienne nous trouver à al-Ghaba. » Or ‘Abd Allâh ben Ja’far qui avait une créance de quatre cent mille, vint le trouver et lui dit: « Si vous le voulez, je renonce à ma créance. – Non, répliqua ‘Abd Allâh ben az-Zubayr.
– Vous pouvez, si vous le désirez, me payer une fois le terme des autres dettes arrivé. – Non. – Donnez-moi alors un morceau de terre. -Tu auras depuis ici jusque là. » ‘Abd Allâh vendit donc une partie des biens et paya complètement les dettes de son père. Il lui resta quand même encore quatre lots et demi. Il s’en alla chez Mu’awiya qui avait auprès de lui ‘Amrû ben ‘Uthman, al-Mundhir ben az Zubayr et ibn Zam’a.
Mu’awiya, à ‘Abd Allâh: « A combien a été estimé al-Ghaba? – A cent mille chaque lot, lui dit ‘Abd Allâh. – Et combien reste-il de lots?- Quatre et demi. »
Al-Mundhir ben az-Zubayr: « Je prends un lot pour cent mille. »
‘Amrû ben ‘Uthman: « Et moi, un autre pour cent mille. » Ibn Zum’a: « Et moi un autre pour cent mille. »
Mu’awiya: « Combien reste-t-il maintenant?- Un lot et demi, répondit ‘Abd Allâh. – Je le prends pour cent cinquante mille. » D’autre part, ‘Abd Allâh ben Ja’far vendit à Mu’awiya pour six cent mille la part d’al-Ghaba qu’il avait prise. Lorsque ‘Abd Allâh eut achevé de payer les dettes de son père, les enfants d’az Zubayr lui dirent; « Partage entre nous notre héritage! – Non, répondit-il, par Dieu! je ne ferai aucun partage avant d’avoir fait l’appel suivant pendant la période du pèlerinage et pour quatre années [successives]: Que celui qui a une créance contre az-Zubayr vienne me trouver, je le payerai. » En effet, à chaque année, il se mettait à faire cet appel; et après l’écoulement des quatre années, il procéda au partage de la succession entre les enfants d’az-Zubayr. Celui-ci avait quatre épouses. Or, après prélèvement du tiers [légué], chacune obtint un million deux cent mille, et le total de la fortune fut de cinquante millions deux cent mille.